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12 janvier 2024Lecture 46 minutes

Loi de Finances pour 2024

La Loi de Finances pour 20241 (« LF ») a été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2023.

Ses principales dispositions sont résumées ci-dessous. Certaines d’entre elles devront être précisées par des commentaires administratifs.

 

MESURES FISCALES INTÉRESSANT LES ENTREPRISES

En matière d’impôt sur les sociétés

1. Mise en conformité du régime des dividendes de source européenne avec la jurisprudence européenne

Tirant les conséquences des récentes décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) (CJUE, décisions C-407/22, Manitou BF SA, et C-408/22, Bricolage Investissement France SA), la LF (article 52) met en conformité avec le droit européen le régime mère-fille qui prévoyait d’exclure du bénéfice du taux réduit de 1 % les sociétés ayant renoncé à se constituer société mère ou société membre d'un groupe d'intégration fiscale.

Le texte de loi précise désormais que le bénéfice de la quote-part de frais et charges (QPFC) au taux de 1 % sera applicable aux dividendes perçus par toute société mère française, membre d’un groupe d’intégration fiscale ou non, que cela résulte ou non d’un choix de sa part, dès lors que ces dividendes sont versés par sa filiale européenne, et que la société mère et sa filiale européenne rempliraient les conditions pour appartenir à un groupe fiscalement intégré si cette société avait été établie en France.

Le régime de neutralisation des dividendes sous réserve de l’imposition d’une QPFC de 1 % est aussi applicable aux dividendes reçus d’une filiale européenne qui ne bénéficient pas du régime mère fille dès lors que la société distributrice remplirait les conditions d’appartenance à un groupe d’intégration fiscale autres que le critère d’assujettissement à l’IS français.

A cet égard, afin d’aligner les conditions d’application du taux réduit au sein d’un groupe intégré, la LF rétablit le délai minimum d’un an d’appartenance au groupe de la société distributrice pour bénéficier de la QPFC au taux de 1 %.

Ces mesures sont applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre 2023.

2. Exclusion des titres détenus par les salariés pour le périmètre du groupe intégré

Pour le calcul du taux de détention du capital d’une société dans le cadre des règles d’intégration fiscale, la LF (article 62) précise les modalités de prise en compte des titres détenus par des salariés. Pour rappel, il est fait abstraction des titres attribués aux salariés ou acquis par ces derniers dans le cadre de certains régimes liés à l'actionnariat des salariés / mandataires sociaux (options de souscription ou d’achat d’actions, attribution gratuite d’actions ou augmentation de capital réservée aux adhérents d’un plan d’épargne d’entreprise), dans la limite de 10 % du capital (article 223 A, I, al. 6 du code général des impôts (« CGI »)).

La LF étend ce mode particulier de calcul de détention au cas où un salarié cesse ses fonctions dans la société qui l’employait lors de l’émission ou de l’attribution des titres, pour rejoindre une autre société du même groupe économique incluse dans le plan d’émission ou d’attribution. En revanche, la LF prévoit de faire cesser cette neutralisation en cas de cession des titres par le salarié, ou de cessation de ses fonctions dans le groupe de sociétés inclues dans le périmètre du plan, ou de sortie de la société concernée du périmètre du plan.

Ces mesures sont applicables aux plans d’actionnariat salarié mis en place au cours d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2023.

3. Aménagement du régime des jeunes entreprises innovantes (JEI)

La LF (article 44) complète la définition des jeunes entreprises innovantes afin d’étendre, à compter du 1er janvier 2024, le champ du dispositif à une nouvelle catégorie d’entreprises dénommées « jeunes entreprises de croissance » (JEC). Il s’agit des entreprises qui réalisent entre 5 % et 15 % de dépenses de recherche et développement et qui remplissent par ailleurs les conditions, qui seront définies par décret, pour être qualifiées d’entreprises à fort potentiel de croissance. Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2024. La qualité de JEC devrait ainsi s’apprécier pour les exercices clos à compter de cette date.

Corrélativement, la LF (article 69) supprime l’exonération d’imposition sur les bénéfices dont peuvent bénéficier les JEI, en la réservant aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2023 (au lieu du 31 décembre 2025). Ainsi les entreprises créées à compter du 1er janvier 2024 ne bénéficieront plus de cette exonération. Il est précisé que la suppression de l’exonération de l’imposition sur les bénéfices est sans incidence sur les exonérations en matière d’impôts locaux, la période d’application des exonérations étant prévue directement dans les textes concernés (articles 1383 D et 1466 D et, par ricochet, article 1586 nonies du CGI). Des mesures d’exonération subsistent par ailleurs en matière de cotisations sociales.

4. Prorogation du taux réduit d’impôt sur les sociétés pour les cessions d’immeubles en vue de la création de logements

Pour rappel, l’article 210 F du CGI prévoit que les plus-values nettes réalisées par les sociétés soumises à l'IS lors de la cession, jusqu'au 31 décembre 2023, d'un local à usage de bureau, à usage commercial ou industriel destiné à être transformé en immeuble à usage d'habitation, ou d'un terrain à bâtir en vue de construire des locaux d'habitation sont imposées au taux réduit de 19 % (majoré, le cas échéant, de la contribution sociale à l’IS de 3,3 %), sous réserve que le cessionnaire prenne l'engagement de transformer l'immeuble acquis en un immeuble à usage d'habitation ou de construire des locaux d'habitation sur le terrain dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l'exercice d'acquisition et que lesdits locaux soient situés dans des communes situées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre particulièrement important entre l'offre et la demande de logements.

La LF (article 51) étend l’application du taux réduit de 19 % (i) aux cessions à titre onéreux réalisées jusqu’au 31 décembre 2026 et (ii) aux cessions à titre onéreux réalisées après le 31 décembre 2026 si une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente a été conclue au plus tard à cette date et que la cession a été réalisée au plus tard deux ans après la date de la promesse.

La LF étend également le dispositif à la réalisation de locaux à usage mixte. Ainsi la condition tenant à l’engagement par le cessionnaire de transformer l’immeuble acquis en un immeuble à usage d'habitation ou de construire des locaux d'habitation sur le terrain est réputée satisfaite lorsque le cessionnaire s'engage à réaliser des locaux dont la surface habitable représente au moins 75 % de la surface totale mentionnée sur le permis de construire du programme immobilier ou sur la déclaration préalable de travaux. Dans cette hypothèse, la plus-value de cession sera soumise au taux d’IS de 19 % à hauteur d’un montant égal au produit de cette plus-value par le rapport entre la surface affectée à l’habitation et la surface totale des locaux ainsi transformés. Le solde de la plus-value sera soumis au taux d’IS de droit commun de 25 %.

Cette mesure légalise et précise la tolérance figurant dans la doctrine administrative (BOI-IS-BASE-20-30-10 n°80 et 85).

En outre, la LF porte le délai de réalisation des travaux de transformation ou de construction à six ans pour les opérations d'aménagement d’envergure, créant une emprise au sol supérieure ou égale à 20.000 mètres carrés.

Ces dispositions s’appliquent aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2024.

 

EN MATIÈRE D’IMPOSITION MINIMALE MONDIALE

1. Transposition de la directive relative au Pilier 2

La LF (article 33) transpose en droit interne la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 visant à instaurer un niveau minimum d’imposition de 15 % pour les bénéfices des grands groupes nationaux et des groupes d’entreprises multinationales disposant d’une implantation en France.2

Les règles françaises ainsi adoptées apparaissent conformes à la directive (seuil de 750 millions de chiffres d’affaires, entités exclues, déduction fondée sur la substance, etc.) éclairée, sur certains points, par les commentaires et les orientations administratives adoptés par l’OCDE.

Outre la transposition formelle de la règle d’inclusion du revenu (ou « IIR » en anglais) et de la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés (ou « UTPR »), la LF prévoit l’instauration d’un impôt national qualifié (ou « QDMTT »), i.e., l’« imposition minimale mondiale », un impôt complémentaire distinct de l’impôt sur les sociétés visant à garantir, en France, un taux effectif d’imposition de 15 % (article 223 WF nouveau du CGI).

Cet impôt complémentaire n’est pas déductible de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu. Des précisions sont attendues sur les modalités et la fiscalité applicable à la refacturation de cet impôt complémentaire au sein des groupes.

Par ailleurs, la LF transpose en droit interne diverses mesures de simplification transitoires sur la base d’agrégats issus de la déclaration CbCR (i.e., test de minimis, test du taux effectif d’imposition simplifié et test des bénéfices de routine) qui s’appliqueront jusqu’aux exercices ouverts au plus tard le 31 décembre 2026 et clos au plus tard le 30 juin 2028. D’autres mesures de simplification, y compris permanentes, sont attendues en droit interne et notamment un régime de protection permanent relatif à l’impôt national complémentaire qualifié et standardisé (sur le fondement des instructions administratives de l’OCDE de juillet 2023).

Les entités constitutives localisées en France, appartenant à un groupe assujetti aux règles ainsi transposées, devront désormais, le cas échéant, indiquer dans leur déclaration de résultat (i) leur appartenance à un groupe soumis à ces mesures, (ii) l’identité de l’entité mère ultime du groupe et l’identité de l’entité en charge du dépôt de la déclaration d’information, ainsi que (iii) les Etats dans lesquels ces entités sont situées. Sauf dispense, les entités devront également déposer, dans les 15 mois (ou dans les 18 mois à titre dérogatoire pour le premier exercice concerné) qui suit la clôture de l’exercice, la déclaration d’information au titre de l’impôt complémentaire (article 223 WW nouveau du CGI).

La LF pour 2024 précise que le dépôt tardif ou l’absence de dépôt de la déclaration d’information ou du relevé de liquidation expose l’entité constitutive à une amende de EUR100 000. Tout manquement aux autres obligations déclaratives pourra entraîner l’application d’une amende dont le montant est plafonné à EUR50 000 par déclaration, la somme des pénalités appliquées aux entités constitutives du groupe en France étant plafonnée à EUR1 millions (article 1729 F bis nouveau du CGI).

Dans le cadre des audits fiscaux, il conviendra désormais de prendre en compte le fait que, en matière d’impôt complémentaire, l’administration fiscale pourra exercer son droit de reprise jusqu’à la fin de la 5ème année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Enfin, il est important de souligner que le texte français n’intègre pas l’ensemble des travaux de l’OCDE sur le sujet dès lors que les discussions sont toujours en cours à l’heure actuelle. C’est la raison pour laquelle la LF pour 2024 habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance (dans un délai de 12 mois à compter de la publication de ladite LF) toute mesure législative visant à préciser et compléter toute disposition relative à la déclaration, au recouvrement, au contrôle et aux sanctions des impôts complémentaires dus au titre de la règle d’inclusion du revenu, la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés, ou de l’impôt national complémentaire qualifié. Des précisions sont donc attendues dans les mois à venir.

 

EN MATIÈRE DE TVA

1. Territorialité des manifestations ou activités virtuelles

La LF (article 83) exclut du champ de la TVA française les prestations de services relatives à des manifestations ou activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement ou similaires réalisées de manière virtuelle lorsque le preneur de la prestation (assujetti ou non assujetti) n’est pas établi en France.

Pour rappel, actuellement et jusqu’à l’entrée en vigueur de cette mesure, les prestations fournies à un assujetti consistant à donner accès à de telles manifestations ou activités et les prestations fournies à des preneurs non assujettis ayant pour objet de telles manifestations ou activités sont soumises à la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France. Le nouveau régime sera sans incidence sur les accès physiques (non virtuels) à des manifestations ou activités.

Cette modification vise à mettre en conformité le droit fiscal français à la suite de l’adoption de la directive UE/2022/542 du 5 avril 2022 ayant modifié les règles en la matière. Cette nouvelle règle de territorialité s’appliquera à compter du 1er janvier 2025.

2. Report de l’entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique obligatoire

La LF (article 91) fixe un nouveau calendrier d’entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique obligatoire commençant désormais à compter du 1er septembre 2026.

Pour rappel, l’article 26 de la loi 2022-1157 du 16 août 2022 prévoyait la généralisation progressive de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis et la transmission à l’administration fiscale (i) des données relatives à certaines opérations (opérations internationales et au profit des non-assujettis) et (ii) des données de paiement afférentes aux prestations de services. Cette loi prévoyait le calendrier d’entrée en vigueur suivant :

  • Obligation de réception de factures électroniques : 1er juillet 2024 pour tous les assujettis ;
  • Obligation d’émission de factures électroniques et de transmission d’informations et de données de paiement :
    • 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises et les groupes TVA ;
    • 1er janvier 2025 pour les entreprises de taille intermédiaire ; et
    • 1er janvier 2026 pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les micro-entreprises.

La LF prévoit un nouveau calendrier d’entrée en vigueur :

  • Obligation de réception de factures électroniques : 1er septembre 2026 pour tous les assujettis ;
  • Obligation d’émission de factures électroniques et de transmission d’informations et de données de paiement :
    • 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises, les groupes TVA et les entreprises de taille intermédiaire ; et
    • 1er septembre 2027 pour les petites et moyennes entreprises (PME) et les micro-entreprises.

Il convient de noter que la LF prévoit la possibilité de reporter à nouveau ces dates d’entrée en vigueur de trois mois au plus par décret (entrée en vigueur, selon le cas, au 1er décembre 2026 ou au 1er décembre 2027).

Finalement, la LF prévoit que la catégorie d’entreprises d’appartenance s’appréciera au niveau de chaque personne juridique au 1er janvier 2025 sur la base du dernier exercice clos avant cette date, ou en l’absence d’exercice clos avant cette date, sur la base du premier exercice clos à partir de cette date.

3. TVA à l’importation : aménagement des règles relatives à la territorialité et au redevable en matière de « dropshipping »

La LF (article 112) prévoit de nouvelles mesures afin de lutter contre la fraude à la TVA dans le cadre de l’activité de dropshipping (livraison directe). La LF aménage les règles applicables aux ventes à distance de biens importés (VAD-BI).

Pour rappel, le dropshipping est la pratique commerciale consistant pour un intermédiaire à acheter un bien dans un pays tiers afin de le revendre en ligne en France à un consommateur final sans jamais en avoir la disposition physique. Le transport du bien au consommateur final est assuré directement par le vendeur situé dans le pays tiers.

En règle générale, dans ce schéma de vente, le consommateur final n’a pas connaissance de l’existence du fournisseur, avec lequel il n’entre jamais en contact. De plus, le dropshipper n’apparaît à aucun moment dans le cadre du processus de dédouanement.

Ainsi, il pouvait arriver que la TVA ne soit pas calculée sur le prix de vente du bien au consommateur final, mais sur le prix d’achat du bien auprès du fournisseur. En conséquence, la marge faite par le dropshipper à la revente au consommateur final pouvait échapper à la TVA.

Afin de lutter contre ce risque de déperdition de la TVA française, la LF prévoit, par principe :

  1. Que le redevable de la TVA due à l’importation est la personne qui réalise la VAD-BI (soit le dropshipper) ; et
  2. De rendre certaines VAD-BI, qui étaient avant localisées hors UE, soumises à la TVA française.

Par exception, le dropshipper n’est pas redevable de la TVA dans les cas suivants :

  • Dans le cas spécifique des ventes facilitées au moyen d’une interface électronique lorsque (i) le bien se trouve en France au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur et (ii) l’assujetti n’est pas réputé avoir réalisé la vente dans le cadre du schéma de l’achat-revente ; et
  • Dans le cas général des ventes (i) dont le bien se trouve en France au moment de l’arrivée de l’expédition ou du transport à destination de l’acquéreur, (ii) non déclarées dans le cadre du guichet unique « IOSS » et (iii) dont la taxe due à l’importation est égale à celle qui serait déterminée pour la vente à distance si elle était localisée en France.

En cas de non-respect d’une des conditions énoncées ci-dessus (par exemple si la taxe due à l’importation n’est pas égale à celle qui serait déterminée pour la vente à distance si elle était localisée en France), en cas de contrôle, l’administration fiscale pourra redresser le dropshipper en qualité de redevable de la TVA.

4. Mesures de gestion du recouvrement de la TVA à l’importation

La LF (article 112) adopte une série de mesures visant à améliorer la gestion du recouvrement de la TVA à l’importation. Brièvement, la LF adopte notamment les mesures suivantes :

  • Un mécanisme de compensation de la TVA due à l’importation entre la DGFIP et la DGDDI. Aux termes d’un nouvel article L. 80-A dans le Livre des Procédures Fiscales (« LPF »), la TVA acquittée à tort auprès de la DGDDI peut faire l’objet d’une compensation avec la TVA qui aurait dû être acquittée auprès de la DGFIP.
  • Une solidarité entre la personne qui réalise la livraison de biens importés et le destinataire de cette livraison dans certains cas de VAD-BI.
  • L’exception à la solidarité des représentants en douane lorsqu’ils remplissent leurs obligations de communication d’informations est supprimée.
  • La DGDDI est compétente pour percevoir la TVA en cas (i) d’importation de biens mis en libre pratique ou placés en admission temporaire en exonération partielle de droits sur la base d’une déclaration verbale, et (ii) d’importation de biens destinés à être utilisés ou cédés à titre gratuit dans le cadre de foires, expositions, et manifestations similaires.

5. Aménagement du régime des locations meublées à usage d’habitation

La LF (article 84) aménage le régime des locations meublées à usage d'habitation à la suite de l'avis du Conseil d'État qui a révélé une non-conformité partielle du dispositif applicable aux prestations para-hôtelières avec la directive TVA (avis du Conseil d’Etat en date du 5 juillet 2023, n° 471877).

Afin de prendre en compte l’avis du Conseil d’Etat et de mettre l'article 261 D, 4° du CGI en cohérence avec les dispositions de l'article 135 de la directive TVA, la LF aménage la rédaction de cet article pour redéfinir les règles de taxation à la TVA des locations meublées en opérant une distinction entre (i) les prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire et (ii) les locations de logements meublés à usage résidentiel d’autre part. Cette distinction est fondée sur un critère de durée des offres de location proposées.

Les prestations d’hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire sont soumises à la TVA si elles remplissent les conditions suivantes :

  • Elles sont offertes au client pour une durée n'excédant pas 30 nuitées ; et
  • Elles comprennent au moins trois des prestations parmi le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Ces conditions s’appliquent à toutes les formes d’hébergement touristique (hôtels, auberges, résidences de tourisme, meublés de tourisme, gîtes ruraux etc.) de sorte qu’il n’existe désormais plus de différence entre les modalités de taxation dans le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire.

Les locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que ceux mentionnés ci-dessus (résidences étudiantes, résidences seniors, etc.), sont soumises à la TVA dès lors qu'elles sont assorties de trois des quatre prestations susvisées.

La distinction décrite ci-dessus est donc fondée sur un critère de durée des offres de location proposées, qui, d’après la jurisprudence européenne, est approprié pour différencier l’hébergement dans le secteur hôtelier (ou assimilé) de la location de biens immeubles dans les autres secteurs.

Les locations de locaux nus ou meublés consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement du secteur hôtelier ou résidentiel (locations dites « indirectes ») qui remplissent les conditions mentionnées ci-dessus continuent à être soumises à la TVA en application du c de l'article 261 D, 4° du CGI.

Il convient en outre de noter que le régime propre aux résidences de tourismes classées est abrogé ; ces dernières sont désormais soumises à la TVA dans les conditions exposées ci-dessus. Les prestations visées ci-dessus restent soumises au taux de 10 % (et au taux de 2,1 % en Corse). Ces aménagements sont entrés en vigueur à compter du 1er janvier 2024.

 

EN MATIÈRE D’IMPÔTS LOCAUX

1. Aménagement du taux de la CVAE

La LF (article 79) échelonne sur quatre ans la réduction progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) jusqu’à une suppression définitive en 2027. Les taux de CVAE seraient ainsi progressivement diminués, avec des taux maximum de CVAE de 0,28 % en 2024, 0,19 % en 2025 et 0,09 % en 2026.

En revanche, la taxe additionnelle à la CVAE pour les chambres de commerce et d’industrie voit son taux être réhaussé jusqu’à 2027. Il est ainsi fixé à 9,23 % au titre de 2024, 13,84 % au titre de 2025 et 27,68 % au titre de 2026.

Le même article de la LF abaisse également le taux du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) à la valeur ajoutée à 1,531 % pour l’exercice 2024, à 1,438 % pour 2025, et à 1,344 % pour 2026. A compter de 2027, il s’élèverait à 1,25 % et ne concernerait plus, en tout état de cause, que la cotisation foncière des entreprises (CFE).

 

EN MATIÈRE DE CONTRÔLE FISCAL ET PRIX DE TRANSFERT

1. Documentation en matière de prix de transfert et cession d’incorporels difficiles à évaluer

En vertu des articles L. 13 AA et L. 13 AB du LPF, les grandes entreprises ont l’obligation de présenter une documentation prix de transfert en cas de contrôle. La LF (article 116) est venue opérer une première modification en abaissant le seuil au-delà duquel les groupes sont tenus à cette obligation, passant de EUR400 millions à EUR150 millions, et ce à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2024.

Dans le cadre de cette obligation, la LF vient également opérer un ajout à l’article 57 du CGI, précisant qu’en cas de divergence entre la méthode de détermination des prix de transfert effectivement utilisée et celle prévue par la documentation mise à la disposition de l’Administration fiscale, l’écart constaté entre le résultat et le montant qu’il aurait atteint si la documentation avait été respectée est réputé constituer un bénéfice indirectement transféré au sens de l’article 57 du CGI, à compter des exercices ouverts au 1er janvier 2024. La personne morale contrôlée pourra renverser cette présomption simple en apportant la preuve de l’absence de transfert, soit (i) par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente, soit (ii) par tout autre moyen.

De plus, en cas de non-présentation totale ou partielle de la documentation prévue aux articles L. 13 AA et L. 13 AB du LPF après mise en demeure de l’Administration, l’entreprise s’expose à l’amende posée par l’article 1735 quater du CGI dont le montant minimal est porté par la LF à EUR50 000 par exercice couvert par le contrôle (fixé initialement à EUR10 000).

Par ailleurs, la LF vient préciser les modalités de rectification de la valeur des transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer en laissant la possibilité à l’Administration de se référer aux résultats constatés postérieurement à l’exercice au cours duquel a eu lieu la transaction. Toutefois, la loi précise que le rehaussement par l’Administration n’est pas applicable si (i) le contribuable fournit des informations détaillées sur les prévisions utilisées et que la différence est due à des événements imprévisibles / prévisibles (sous réserve que la probabilité d’occurrence n’ait pas été sous-estimée ou surestimée), (ii) le transfert est couvert par un accord préalable en matière de prix de transfert bilatéral ou multilatéral ou (ii) l’écart de valorisation est inférieur à 20 %. Le délai de reprise de l’Administration à ce titre est fixé à la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.

Enfin, les transferts d’actifs incorporels difficiles à évaluer constituent une nouvelle exception à la garantie de non-renouvellement d’une vérification de comptabilité (article L. 51 du LPF).

Cette mesure est applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

2. Relocalisation des contrôles fiscaux

En vertu des articles L. 13 et L. 14 A du LPF, l’Administration procède aux vérifications de comptabilité - et aux contrôles des organismes bénéficiaires de dons et versements - en principe directement au sein des locaux de l’entreprise.

Afin de donner davantage de flexibilité à l’Administration, la LF (article 117) prévoit qu’à compter du 1er janvier 2024, ces vérifications puissent être opérées dans tout autre lieu déterminé d’un commun accord entre le contribuable et l’Administration. En cas de désaccord, l’Administration pourra décider de tenir ou poursuivre la vérification dans ses propres locaux.

3. Renforcement de la procédure de visite et de saisie domiciliaires (« perquisitions fiscales »)

L’article L. 16 B du LPF prévoit la possibilité pour l’Administration fiscale de disposer d’un droit de visite domiciliaire et de saisie lorsqu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en :

  • se livrant à des achats ou ventes sans facture ;
  • utilisant ou en délivrant des factures ou documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ;
  • omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.

La LF (article 122) est venue ajouter une quatrième hypothèse par laquelle il est désormais possible de recourir à l’article L. 16 B du LPF lorsque le contribuable est présumé souscrire à des déclarations inexactes en vue de bénéficier de crédits d’impôts prévus au profit des entreprises passibles de l’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices. Il pourrait notamment s’agir du crédit d’impôt recherche.

Par la même occasion, la LF vient transposer la jurisprudence constitutionnelle du 11 mars 2022 (Conseil Constitutionnel, décision QPC n°2021-980, 11 mars 2022) en établissant la possibilité pour l’administration de saisir, dans le cadre de la visite domiciliaire, des documents accessibles ou disponibles sur un support informatique, y compris distant. Cela pourrait en particulier viser les accès soumis à un mot de passe, ainsi que les serveurs hébergés à l’étranger.

Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2024.

4. Pérennisation du régime d’indemnisation des aviseurs fiscaux

La LF (article 123) prévoit une pérennisation de l’expérimentation de l’extension du périmètre du dispositif des aviseurs fiscaux à l’ensemble des infractions fiscales dont l’enjeu est supérieur à EUR100 000.

Pour rappel, la LF 2017 a introduit, à titre expérimental pour une durée de 2 ans (renouvelée 2 fois), un dispositif d’indemnisation de toute personne fournissant un renseignement à l’Administration conduisant à la découverte d’un manquement aux règles fixées en matière de fiscalité internationale.

La LF pérennise ainsi ce mécanisme d’indemnisation des aviseurs fiscaux, sans limitation de durée, à l’article L. 10-0 AC du LPF.

5. Intérêts moratoires dus par l’administration

La LF (article 126) étend le versement d’intérêts moratoires aux situations dans lesquelles l’Administration, alors même qu’elle n’a été saisie d’aucune réclamation par le contribuable, prononce un dégrèvement pour corriger une erreur qu’elle a commise dans l’établissement de l’assiette ou le calcul des impositions.

Cette mesure est applicable à compter du 1er janvier 2024.

 

MESURES FISCALES INTÉRESSANT LES PARTICULIERS

En matière d’impôt sur le revenu

1. Dispositif « IR-PME » : création d’un volet « innovation » et prorogation du taux majoré s’agissant du volet « solidaire »

La LF (article 48-I-1°) modifie les dispositions de l’article 199 terdecies-0 A du CGI afin de (i) supprimer les renvois aux anciennes dispositions relatives à l’ISF et d’y insérer directement les conditions d’application de la réduction d’impôt, (ii) de prendre en considération la mise à jour de l’encadrement du dispositif au regard des aides d’Etat à la suite de la publication du règlement UE/2023/1315 du 23 juin 2023 et (iii) de prévoir que les titres ayant ouvert droit à la réduction d’impôt ne peuvent être inscrits dans un plan d’épargne avenir client. Ces modifications s’appliquent à compter du 1er janvier 2024.

La LF (article 48-I-2°) institue un volet renforcé de la réduction « IR-PME » en faveur, d’une part des jeunes entreprises innovantes visées à l’article 44 sexies-0 A du CGI (tel que modifié par l’article 44 de la LF) et, d’autre part, des jeunes entreprises engageant une forte proportion de dépenses de recherche. Ces dispositifs ont été codifiés respectivement aux articles 199 terdecies-0 A bis et 199 terdecies-0 A ter du CGI. Sous réserve de certaines particularités, les conditions prévues à l’article 199 terdecies-0 A du CGI sont applicables. Ces dispositifs s’appliquent aux versements effectués au titre des souscriptions en numéraire réalisées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2028.

Le taux de la réduction d’impôt pour souscription au capital de PME prévu à l’article 199 terdecies-0 A du CGI (IR-PME), 199 terdecies-0 AA (volet « Esus » de l’IR-PME) et 199 terdecies-0 AB (volet « foncières solidaires ») a été porté de 18 % à 25 % à titre transitoire à diverses reprises et en dernier lieu dans le cadre de la Loi de finances pour 2023. La LF (article 49) proroge l’application du taux majoré pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2025 dans le cadre des dispositions des articles 199 terdecies-0 AA (volet « Esus » de l’IR-PME) et 199 terdecies-0 AB (volet « foncières solidaires »). Cette mesure s’appliquera aux versements effectués à compter d’une date fixée par décret.

Cette prorogation ne concernant pas la réduction d’impôt IR-PME prévue à l’article 199 terdecies-0 A du CGI, le taux de 18 % s’appliquera aux versements réalisés à compter du 1er janvier 2024.

2. PEA « PME-ETI » et modalités d’imposition des gains nets réalisés en cas de retrait d’obligations remboursements en actions (ORA)

La Loi PACTE du 22 mai 2019 a rendu éligible au PEA « PME-ETI » les obligations remboursables en actions (ORA) non cotées. Cette éligibilité s’est accompagnée d’une mesure anti-abus consistant à plafonner l’exonération des plus-values de cession ou de retrait de ces ORA non cotées ou des actions reçues en remboursement de celles-ci à deux fois le montant du placement (article 157. 5° bis du CGI).

Par dérogation à la règle selon laquelle les gains nets réalisés en cas de retraits effectués après la cinquième année de fonctionnement du PEA sont exonérés d’impôt sur le revenu, la LF (article 8) est venue préciser que le gain net réalisé en cas de retrait d’ORA ou d’actions reçues en remboursement de ces obligations est soumis à l’impôt sur le revenu à hauteur de l’excédent du plafond mentionné ci-avant. Cette imposition est susceptible de concerner tous les retraits que ceux-ci interviennent avant ou après l’expiration de la 5ème année de fonctionnement du plan et qu’il entraine ou non la clôture du plan (nouvel article 150-0 A, II, b du CGI).

Cette mesure s’applique à compter de l’imposition des revenus 2023.

3. Aménagement des règles d’imposition des loueurs de meublés de tourisme

La LF (article 45) modifie le champ d’application du régime micro-BIC aux revenus tirés de la location de meublés de tourisme non-classés et aménage les modalités d’imposition à ce régime des loueurs de meublés de tourisme classés.

A compter de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2023, les contribuables exerçant une activité de location de meublés de tourisme non-classés relèveront du régime micro-BIC lorsque le montant de leur chiffre d'affaires réalisé l'année civile précédente ou l’avant-dernière année n'excède pas un seuil de EUR15 000.

Par ailleurs, l'abattement forfaitaire applicable à ces contribuables s'élèvera à 30 % sans pouvoir être inférieur à EUR305.

La limite d’application du régime micro-BIC de EUR15 000 ne concerne, en l’état actuel de la réforme, que les seuls meublés de tourisme non-classés. En effet, compte tenu de l’absence de modification de l’article 50-0, 1, 1° du CGI, la limite de EUR188 700 reste applicable aux loueurs de meublés de tourisme classés.

Cette nouvelle mesure s’appliquera à compter de l’imposition des revenus de 2023.

4. Aménagements des règles de dégrèvement en matière d’« Exit tax »

Lorsqu’un contribuable a transféré son domicile fiscal hors de France et que survient un évènement entrainant le dégrèvement ou la restitution de l’exit tax (par exemple en cas de retour en France), il est tenu d’en informer l’administration l’année suivante.

La LF (article 11) prévoit que le défaut de production de la déclaration correspondante ou, d’une manière générale, l’omission de tout ou partie des renseignements devant y figurer entraînera l’exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement à défaut de régularisation dans un délai de trente jours suivant la notification d’une mise en demeure. Cette mesure est applicable aux évènements survenus dès 2023 à défaut de production de la déclaration dans le délai imparti pour déclarer les éléments nécessaires au calcul de l’impôt dû en 2024 sur les revenus de l’année 2023.

Par ailleurs, un dégrèvement (ou une restitution) de prélèvements sociaux pourra être accordé aux contribuables ayant transféré leur domicile fiscal hors de France entre le 3 mars 2011 et le 31 décembre 2013 et dont les titres correspondant à des plus-values latentes étaient toujours dans leur patrimoine à l’expiration d’un délai de huit ans. Pour les départs intervenus avant le 1er janvier 2014, seul l’impôt sur le revenu pouvait jusqu’à présent être dégrevé ou restitué. Les modalités pour obtenir le dégrèvement ou la restitution de ces prélèvements sociaux devront faire l’objet de précisions administratives.

5. Régime du report d’imposition et modification de la composition du ratio de 75 % des structures de capital-investissement

Les plus-values d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés contrôlée par l'apporteur, réalisées par les personnes physiques, bénéficient d'un report d'imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI.

Ce report d’imposition prend fin notamment lorsque la société bénéficiaire de l’apport procède à la cession à titre onéreux, au rachat, au remboursement, ou à l’annulation des titres apportés dans un délai de trois ans à compter de l’apport, sauf si elle prend l’engagement de réinvestir, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession, au moins 60 % du produit de cession dans une activité économique. Depuis le 1er janvier 2019, la société bénéficiaire peut notamment procéder à ce réinvestissement dans certaines structures de capital-investissement (notamment FPCI, SLP, SCR).

La LF (article 24) aligne les modalités de calcul du ratio de 75 % que ces structures de capital-investissement sont tenues de respecter sur le quota fiscal des fonds fiscaux et des sociétés de capital-risque prévu respectivement à l'article 163 quinquies B et à l'article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985.

En outre, la LF modifie également l’article 150-0 B ter du CGI afin de prévoir que sont assimilés à des activités mentionnées à l’article 34 éligibles au quota des fonds fiscaux et des SCR, les activités commerciales au sens des articles 34 et 35 du CGI, industrielles, artisanales, libérales, agricoles et financières, à l’exclusion des activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier. Cette mesure permettra notamment d’assurer l’éligibilité d’activités telles que la promotion immobilière.

Enfin l’alignement du ratio de 75 % sur le quota des fonds fiscaux et des SCR a pour effet d’étendre la liste des actifs éligibles. A cet égard, sont désormais éligibles au ratio de 75 % dans la limite de 10 % du montant total de l'investissement dans la société par l’organisme (i) les titres donnant accès au capital de la société, d'avances en compte courant ou les titres de créance émis par la société, ainsi que (ii) l’acquisition de parts ou actions émises par la société lorsque l’acquisition ne confère pas le contrôle de cette dernière ou lorsque le fonds ou la société est partie à un pacte d’associés n’aboutissant pas à une détention de plus de 25 % du capital.

Ces dispositions s’appliquent aux souscriptions portant sur des parts ou actions de fonds, sociétés ou organismes constitués à compter de la promulgation de la LF, soit à compter du 29 décembre 2023. Les fonds, sociétés ou organismes constitués avant cette date peuvent néanmoins bénéficier de ces dispositions à condition d’exercer une option en ce sens selon des modalités fixées par décret et de respecter le ratio de 75 % sur la base de l’inventaire semestriel au cours duquel le délai de cinq ans pour atteindre ce ratio expire.

6. Précisions relatives aux activités éligibles au pacte Dutreil

La LF (article 23) exclut les activités de location meublée et de location d’établissements commerciaux ou industriels équipés du bénéfice du dispositif Dutreil.

Pour rappel, les transmissions par décès et les donations de parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ainsi que les biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle exerçant le même type d’activité peuvent en principe bénéficier du régime Dutreil. Celui-ci permet, sous certaines conditions (tenant notamment au respect d’un engagement de conservation), l’obtention d’une exonération des droits de mutation à titre gratuit lors d’une donation ou d’une succession à concurrence de 75 % de la valeur des biens transmis.

La définition des activités éligibles au dispositif Dutreil a fait l’objet de nombreux contentieux ces dernières années. Le CGI (article 757 B et article 757 C) faisait en effet référence à la notion d’activité commerciale sans la définir. La doctrine administrative la plus récente considérait que cette notion devait être comprise par référence aux articles 34 et 35 du CGI, à l’exclusion des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier. D’après la doctrine, devaient également être exclues les activités de gestion par une société de son portefeuille de valeurs mobilières à l’exception des holdings exerçant à titre principal une activité d’animation de leur groupe.

La jurisprudence, tant civile (Cass. Com., 1er juin 2023, n°22-15.152) qu’administrative (CE, 8e et 3e ch. Réunies, 29 septembre 2023, n°473972) avait toutefois mis en échec cette doctrine en considérant que les activités de location de locaux meublés ou d’établissements commerciaux ne pouvaient être par principe exclues du champ d’application du dispositif.

La LF vient mettre un terme à ce contentieux en légalisant la doctrine administrative. Ainsi, les activités commerciales sont définies par renvoi aux articles 34 et 35 du CGI et l’activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier est en principe exclue.

Toutefois, sont éligibles au régime Dutreil, les holdings ayant pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de leur groupe, constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et auxquelles elles rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables financiers et immobiliers.

Par ailleurs la LF précise que les entreprises exerçant à la fois une activité civile et une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent légalement bénéficier du régime du Dutreil, sous réserve que l’activité civile ne soit pas prépondérante.

Cette modification s’applique aux transmissions intervenues depuis le 17 octobre 2023.

 

EN MATIÈRE D’IMPÔT SUR LA FORTUNE IMMOBILIERE

1. Evaluation des titres de sociétés et restriction à la déductibilité des dettes

La LF (article 27) complète l’article 973 du CGI afin d'exclure pour la détermination de la valeur imposable des titres de sociétés détenus par le contribuable et imposables à l’IFI la déduction des dettes contractées, directement ou indirectement, par la société et qui ne sont pas afférentes à des actifs imposables.

Pour rappel, en cas de détention directe, la valeur de l’actif immobilier ne peut être minorée que des seules dettes afférentes aux actifs imposables et supportées par le redevable et les personnes de son foyer fiscal. En cas de détention indirecte, l’IFI est calculé sur la fraction de la valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société en suivant les règles en vigueur en matière de mutation par décès. Cette valeur est éventuellement corrigée du fait de l'existence au passif de la société de dettes contractées par celle-ci, y compris celles afférentes à des actifs non imposables (sous réserve de restrictions énoncées à l’article 973 II et III du CGI, notamment lorsque les dettes contractées par la société le sont directement ou indirectement auprès du redevable, des personnes de son foyer fiscal ou de son groupe familial, pour la réalisation de travaux sur un actif imposable ou pour l’acquisition de celui-ci).

En excluant, pour la détermination de la valeur imposable des titres détenus par le contribuable, la déduction des dettes contractées directement ou indirectement par la société, et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable, la loi élargit le champ d’application des dispositifs anti-abus déjà en place et harmonise le régime selon que les actifs immobiliers sont détenus directement ou par l’intermédiaire d’une société. La modification introduite par la LF met un terme aux stratégies d’optimisation fiscale consistant à créer du passif sans lien avec un actif taxable afin de minorer artificiellement la valeur imposable de la société.

Cette modification s’accompagne de la mise en place d’un double mécanisme de plafonnement de la valeur imposable des parts ou actions, destiné à préserver la capacité contributive du redevable et à éviter qu’il ne soit taxé sur la base d’une valeur excédant la valeur réelle des actifs détenus :

  • Si la valeur imposable à l’IFI des titres détenus par le contribuable telle que résultant de l’application des nouvelles règles est supérieure à la valeur vénale des titres déterminée conformément aux règles de droit commun : la valeur imposable à l’IFI des titres détenus par le contribuable est limitée à cette dernière valeur ;
  • Si, à l’inverse, la valeur imposable à l’IFI des titres détenus par le contribuable est inférieure à la valeur vénale des titres déterminée conformément aux règles de droit commun : la valeur imposable des titres détenus par le contribuable est limitée à la valeur vénale nette des actifs immobiliers imposables de la société à proportion de la participation du contribuable dans la société.

Il convient de noter que l’égalité de traitement recherchée pour l’imposition à l’IFI des biens immobiliers, selon qu’ils sont détenus en direct par le contribuable ou par l’intermédiaire d’une société, n’est que partiellement assurée par l’application des règles de plafonnement. En effet, si la valeur imposable à l’IFI des parts est inférieure à leur valeur vénale, la règle de plafonnement conduit bien à une imposition équivalente entre un contribuable détenant les biens immobiliers en direct ou indirectement par le biais d’une société. En revanche, le mécanisme de plafonnement à la valeur vénale peut conduire à une situation moins favorable dans le cas d’une détention indirecte par rapport à une détention directe lorsque la valeur imposable des parts est supérieure à leur valeur vénale.

Par ailleurs, le nouveau mécanisme soulève des difficultés en présence d’une chaîne d’entités où une holding a consenti un compte courant à sa filiale qui n’a pas servi à financer l’acquisition d’un actif immobilier : dans cette hypothèse, le passif ne sera pas pris en compte pour déterminer la valeur théorique des titres de la société propriétaire de l’actif mais le texte ne prévoit pas la neutralisation de cette créance lors de la détermination de la valeur vénale de la holding. En pareille situation cette créance ne serait donc (i) pas déduite au niveau de la société propriétaire de l’actif mais (ii) prise en compte au niveau de la holding, aboutissant ainsi à une double prise en compte de la créance.

Ces dispositions s’appliquent à l'IFI dû à compter de 2024.

 

EN MATIÈRE DE CONTRÔLE FISCAL

1. Rémunération des services versée à l’étranger et extension du champ de l’article 155 A du CGI

La LF (article 10) étend le champ d’application de l’article 155 A du CGI qui prévoit que le contribuable domicilié en France, auteur de la prestation de service, est réputé avoir réalisé lui-même les bénéfices ou revenus retirés de cette prestation lorsque que la rémunération pour ces prestations est perçue par des personnes établies à l’étranger (par exemple personne morale interposée contrôlée par le contribuable).

En outre, le dispositif s’applique désormais aux rémunérations perçues en contrepartie de l’exploitation commerciale de droits attachés à l’image, au nom ou à la voix d’une ou de plusieurs personnes, de l’usage de droits d’auteurs ou de droits voisins ou de la propriété industrielle ou commerciale ou de droits assimilés, rendus ou concédés, et non plus aux seules rémunérations perçues en contrepartie de prestations de services.

Pour prévenir l’éventuelle double imposition de ces sommes et prenant acte de la réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010 (Conseil Constitutionnel, décision n°2012-70 QPC, 26 novembre 2010), la LF précise désormais que dans le cas où la personne domiciliée ou établie à l’étranger reverse au contribuable domicilié en France tout ou partie des sommes imposées conformément à l’article 155 A, I du CGI, l’impôt correspondant à ce revenu est réputé avoir déjà été acquitté. En revanche, la personne qui perçoit les sommes sera désormais solidairement responsable, à hauteur de ces dernières, des impositions dues par la personne qui rend les services ou concède l’exploitation des droits ou l’usage des droits concernés.

Cette mesure est applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2024.

 

AUTRES MESURES FISCALES

En matiere de droits d’enregistrement

1. Nouvelles obligations déclaratives en cas de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière

La LF (article 119) impose de nouvelles mentions dans les actes et déclarations relatifs aux cessions de participation à prépondérance immobilière. Ainsi, les actes et déclarations ayant pour objet une cession de participations dans une personne morale à prépondérance immobilière doivent indiquer expressément si :

  • Les droits sociaux cédés sont afférents à une société transparente au sens de l’article 1655 ter du CGI ;
  • Les participations cédées confèrent au cessionnaire, direct ou indirect, le droit à la jouissance d’immeuble ou de fraction d’immeuble au sens de l’article 728 du CGI ;
  • Le cessionnaire a acquitté ou s’engage à acquitter des dettes contractées auprès du cédant par cette personne morale, en précisant, le cas échéant, leur montant.

L‘exposé des motifs indique que cette nouvelle obligation est prévue afin de mettre fin à la distorsion d’assiette en cas de transfert d’un actif immobilier en direct ou via la cession des titres de la société le détenant. En effet, la base imposable en cas de cession de titres correspond à la valeur vénale des actifs détenus par la société, diminuée des dettes de celle-ci, alors que la cession d’un actif en direct est soumise aux droits d’enregistrement sur la valeur vénale de l’actif, sans déduction d’aucune dette.

L’assiette imposable est donc différente en cas d’asset deal ou de share deal.

Cependant, le nouveau dispositif ne commande pas de calculer les droits applicables en cas de share deal en réintégrant le montant des dettes contractées auprès du cédant, mais seulement de déclarer ces dettes. Ainsi, malgré un exposé des motifs ambigu, le nouveau dispositif ne modifie pas l’assiette des droits d’enregistrement et se limite à imposer des mentions dans les actes de cession.

Pour mémoire, la loi de finances pour 2012 avait instauré un mécanisme aux termes duquel l’assiette imposable en cas de share deal était constituée de la valeur réelle des actifs immobiliers et des autres actifs de la société, après déduction du seul passif afférent à l’acquisition desdits actifs immobiliers. Ce texte avait été adopté au motif que la détermination de l’assiette des droits d’enregistrement en cas de share deals conduisait à des comportements d’optimisation fiscale permettant de minorer ladite assiette des droits. La loi de finances pour 2014 a supprimé ce mécanisme au motif qu’il créait de l’insécurité juridique et était de nature à bloquer les opérations.

La commission des finances avait abondé en ce sens en proposant d’appliquer les droits d’enregistrement à la valeur nette des titres de sociétés cédés et le dispositif spécifique instauré par la loi de finances pour 2012 avait ainsi été supprimé.

En l’absence de sanctions spécifiques prévues par le texte, l’article 1729 B du CGI devrait être applicable. Cet article prévoit une amende de EUR15 en cas d’omission ou d’inexactitude dans un document devant être remis à l’administration fiscale.

Cette mesure s’applique aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 2024.

2. Relèvement de l’abattement applicable en cas de transmission d’entreprise à un salarié ou à un proche

La LF (article 22) relève de EUR300 000 à EUR500 000 le montant de l’abattement applicable sur l’assiette du droit de vente, sous certaines conditions, en cas de cession ou de donation d’un fonds de commerce (ou assimilé) à des salariés ou à des proches. Un tel abattement s’applique également, sous certaines conditions, en cas de donation en pleine propriété de tels fonds ou parts ou actions de sociétés mais pour les seules donations en faveur des salariés.

Ces dispositions sont applicables aux cessions et donations réalisées à compter du 1er janvier 2024.

 

EN MATIERE DE DROIT PENAL FISCAL

1. Création d’un délai de mise à disposition d’instrument de facilitation de la fraude fiscale

La LF (article 113) crée un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale. En outre, sera désormais punie de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de EUR250 000 la mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou de plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers, ayant pour but de permettre à un ou plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel de l’impôt.

Les moyens, services, actes ou instruments visés consistent en (i) l’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger, (ii) l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger, (iii) la fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441-1 du Code pénal, ou de toute autre falsification, (iv) la mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger, (v) ou la réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l’Administration.

Ces peines sont toutefois portées à cinq ans d’emprisonnement et à EUR500 000 d’amende lorsqu’une telle mise à disposition est commise en utilisant un service de communication au public en ligne.

La LF exclut l’application des articles L. 227 à L. 233 du LPF (faisant reposer, en cas de poursuite pénale, la charge de la preuve du caractère intentionnel de la soustraction à l’établissement des impôts sur le ministère public et l’Administration fiscale) à cette nouvelle sanction.

Le texte de loi précise que les personnes physiques qui se rendraient coupables de ce nouveau délit pourront en outre se voir appliquer les sanctions pénales prévues par l’article 1741 du CGI (e.g. affichage et diffusion du jugement, privation des droits civiques, civils et de famille), ainsi celles prévues par l’article 1750 du CGI (e.g. interdiction d’exercer, suspension du permis de conduire, nouvelle peine de privation des droits à réductions et crédits d’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière).

Quant aux personnes morales déclarées pénalement responsables de ce nouveau délit, elles seront susceptibles de se voir appliquer une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques, ainsi que les peines complémentaires prévues par les 1° à 6°, le 9° et le 12° de l’article 131-39 du code pénal (par ex. dissolution, interdiction d’exercer, exclusion des marchés publics).

Cette mesure est applicable à compter du 1er janvier 2024.

2. Fraude fiscale et peine complémentaire

La LF (article 114) introduit une peine complémentaire de privation temporaire du droit au bénéfice de réductions et de crédits d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur la fortune immobilière en cas de fraude fiscale aggravée, du recel de ces délits ou de leur blanchiment. Cette sanction est susceptible d’être prononcée pour une durée maximale de trois ans à compter de l’imposition des revenus de l’année qui suit celle de la condamnation.

Cette peine complémentaire concerne les personnes physiques reconnues coupables du délit de fraude fiscale (ou de recel ou blanchiment de fraude fiscale) avec les circonstances aggravantes prévues par l’article 1741 du CGI.

Toutefois, la LF exclut du champ d’application de cette peine complémentaire les crédits d’impôts octroyés sur le fondement d’une convention internationale ayant pour objet l’élimination de la double imposition.


1 LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 - JORF n°0303 du 30 décembre 2023.
2 Pour plus de détails sur les règles de l’imposition minimale mondiale, voir nos précédents articles sur le sujet : (i) OECD issues detailed rules to implement global minimum tax: a look at the 10 chapters, (ii) Newsletter – PLF pour 2024.