La saga sur les congés payés en France : Le ciel s’éclaircit ?
Avant le 13 septembre 2023, un salarié en arrêt maladie ne pouvait acquérir de congés payés que si l’arrêt de travail faisait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle et seulement la première année.
Mais le droit français n’était pas conforme au droit communautaire, notamment la Directive européenne de 2003 sur le temps de travail telle qu’interprétée par le Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
Amoncellement de nuages
Par une série d’arrêts du 13 septembre 2023 qui ont fait grand bruit, la Cour de cassation met donc le droit français en conformité avec le droit européen en jugeant que les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle et, en cas d’accident du travail, que le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail.
La Cour de cassation écarte donc les dispositions françaises du code du travail pour faire application de la législation européenne, telle qu’intéerprétée par la CJUE.
Elle a en outre jugé que la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
C’est ce dernier point qui a suscité les plus grandes inquiétudes, notamment des organisations patronales employeurs puisque, de l’avis de nombreux auteurs, cela implique d’avoir à indemniser les arrêts maladies depuis le 1er décembre 2009, date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne donnant force juridique contraignante à la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Le gouvernement a indiqué qu’il étudiait cette question.
Dans ce contexte de remise en cause, la Cour de cassation vient de saisir, par un arrêt du 15 novembre 2023 le conseil constitutionnel de la question de savoir si la législation française privant les salariés de droit à congés en cas de maladie ne heurtait pas le droit à la santé et au repos garanti par la constitution…
Si la remise en cause du principe de l’acquisition de droit à congés pendant un arrêt maladie semble donc peu probable par le législateur, reste la question de la prescription d’éventuelles demandes.
Un récent arrêt de la CJUE du 9 novembre 2023 (« Keolis », affaires C-271/22 à C-275-22), rendu dans des affaires impliquant la législation française, apporte un éclairage intéressant sur la possible prescription que l’état français prendra assurément en compte.
Le ciel s’éclaircit ?
Dans le cadre de litiges prud’homaux, le Conseil de Prud’hommes d’Anger a eu recours à la procédure de renvoi préjudiciel permettant à la juridiction d’un Etat membre d’interroger la CJUE sur l’interprétation du droit de l’Union dans le cadre d’un litige dont elle est saisie. Il était saisi de litiges concernant des travailleurs qui avaient été placés en congés maladie pendant de longues périodes. Dans ce contexte, les travailleurs ont demandé à leur employeur de reconnaître qu’ils étaient titulaires de droit à congés payés qu’ils n’ont pas pu exercer pendant l’année de référence au titre de laquelle ces droits sont nés, et durant laquelle ils étaient malades.
La CJUE juge que le droit communautaire « ne s’oppose pas à des dispositions ou à des pratiques nationales limitant le cumul des droits au congé annuel payé par une période de report à l’expiration de laquelle ces droits s’éteignent ». Tout de suite après, la Cour rappelle que la période de moins de 15 mois durant laquelle les requérants ont introduit leur demande est recevable et qu’il incombe aux Etat de définir les conditions d’exercice du droit au congé payé et d’instituer des limites temporelles au report de ce droit.
Dans ses conclusions, l’avocate générale précise qu’un délai compris entre 15 et 18 mois n’heurterait pas le droit communautaire.
Cet arrêt permettra utilement au gouvernement d’apporter une réponse aux inquiétudes patronales et aux employeurs, éventuellement confrontées à des demandes de salariés, de tenter devant les tribunaux de limiter les éventuelles demandes de rappel d’indemnités de congés payés.