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14 décembre 2017Lecture d'11 minutes

Le règlement d'arbitrage du centre international de médiation et d'arbitrage de Casablanca, le CIMAC

Il est aujourd’hui tout à fait banal d’affirmer que l’arbitrage, mode juridictionnel alternatif à la justice étatique, est le mode de résolution privilégié des litiges commerciaux, en particulier internationaux.

Cette justice « privée » est aussi une justice « sur mesure ». Les parties disposent ainsi d’une certaine marge de manœuvre sur de nombreux aspects de la procédure : elles peuvent par exemple décider du caractère confidentiel ou non de l’arbitrage, choisir les arbitres qui auront à trancher leur litige, sélectionner la langue de la procédure…

Les parties peuvent aussi convenir de laisser au tribunal arbitral, une fois constitué, le soin de se charger de l’administration et de l’organisation de l’intégralité des aspects de la procédure (arbitrage ad hoc), ou alors confier l’organisation et l’administration de certains aspects de la procédure à une institution d’arbitrage (arbitrage institutionnel).

Pour faire face à l’appétence des investisseurs pour l’arbitrage institutionnel, et à l’instar d’autres places financières internationales, le Casablanca Finance City (le « CFC ») a créé sa propre institution d’arbitrage : le Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Casablanca (le « CIMAC »). Il s’agit pour le CFC, dont l’ambition est de devenir un carrefour financier non seulement pour la région mais pour le continent africain, de renforcer son attractivité en se dotant d’une institution dédiée à un mode de résolution des litiges à même de répondre aux besoins des investisseurs.

Pour assoir sa légitimité et son caractère international, le CIMAC a composé sa Cour d’arbitrage, laquelle a vocation à superviser l’administration des procédures, de figures éminentes de l’arbitrage. Celles-ci sont issues à parts égales du Maroc, de l’Afrique, et du reste du monde.

Le CIMAC s’est également armé d’un règlement d’arbitrage moderne dont l’objet est de fixer les règles procédurales en conformité avec lesquelles la procédure est administrée (le « Règlement CIMAC »)1.

Il s’agit ici de présenter les principales dispositions et spécificités de ce Règlement.

UNE STRUCTURE ET DES DISPOSITIONS TYPES

Le Règlement CIMAC adopte, de manière assez classique en matière de règlements institutionnels, une structure chronologique qui suit le déroulement d’une procédure arbitrale.

Il prévoit, à l’instar des règlements de la majorité des institutions d’arbitrage, les dispositions indispensables à la conduite efficace d’un arbitrage.

Ainsi, prévoit-il notamment les modalités d’introduction d’un arbitrage et les éléments essentiels qui doivent figurer dans la demande d’arbitrage (article 5 du Règlement CIMAC), la réponse à la demande d’arbitrage (article 6) et les mémoires subséquents (article 22).

Il traite également des sujets « types » tels que, pour n’en citer que certains, ceux de la constitution du tribunal arbitral (articles 7 et suivants), de la récusation et du remplacement des arbitres (articles 12 et 13), des contrats multiples (article 31), de la jonction de procédures (article 32) ou de l’intervention d’un tiers à la procédure (article 33), de la production de documents (article 24), du traitement des témoins et des experts (articles 25 et 26) et de la tenue des audiences (article 27).

Pour autant, il est notable que le Règlement CIMAC ne prévoit pas de mécanisme d’arbitrage d’urgence. Ce mécanisme a été mis en place par d’autres règlements d’arbitrage dans l’idée de limiter au maximum le recours aux juridictions étatiques dans l’hypothèse notamment de demandes provisoires ou conservatoires ayant vocation à être introduites avant même la constitution du tribunal arbitral. Ainsi, pour les règlements prévoyant la possibilité de recourir à un « arbitre d’urgence », il s’agira d’introduire une demande à cet effet auprès de l’institution qui, si elle la juge recevable, nommera un arbitre d’urgence dans un délai extrêmement court, lequel rendra lui aussi une décision dans un délai resserré après avoir été saisi2.

UN CENTRE INTERNATIONAL MAIS AVEC UN CENTRE DE GRAVITE AU MAROC

La notion du siège de l’arbitrage a un impact significatif en arbitrage international. Ainsi, c’est le droit du siège qui détermine les règles procédurales d’ordre public applicables de même que les cas d’ouverture du recours en annulation de la sentence arbitrale. Plus généralement, ce sont les juridictions étatiques du siège de l’arbitrage qui auront vocation à soutenir (par exemple, en ordonnant des mesures conservatoires ou provisoires) et à contrôler, in fine, la sentence arbitrale.

Si le choix du siège est traditionnellement laissé à la libre discrétion des parties, il est habituellement admis qu’en l’absence d’accord des parties sur ce siège, il pourra être déterminé par le tribunal arbitral ou par l’institution d’arbitrage, lesquels prendront en compte pour sa détermination, des facteurs tels que la loi d’arbitrage, la neutralité, la facilité d’accès etc.

Le Règlement CIMAC présente à cet égard une caractéristique qui mérite d’être mise en exergue : il prévoit un siège par défaut3. L’article 17 du Règlement CIMAC stipule effectivement que « [à] défaut d’accord entre les Parties, le siège de l’arbitrage sera Casablanca au Maroc, sous réserve de toute autre circonstance que la Cour pourra prendre en compte dans la détermination du siège d’arbitrage le plus approprié ».

Pour autant, le Règlement CIMAC prévoit les audiences, réunions et délibérations puissent être tenues en tout autre lieu, sauf accord contraire des parties.

UNE CONSECRATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX

Le Règlement CIMAC reprend par ailleurs les principes procéduraux fondamentaux de conduite de la procédure (principes du respect du contradictoire, d’efficacité etc.) (article 20) de même que d’autres principes essentiels tels que:

  • l’affirmation d’un devoir d’indépendance et d’impartialité des arbitres (article 7.2), couplé de l’obligation pour l’arbitre de signer une déclaration d’acceptation, d’indépendance et d’impartialité, mais également de disponibilité (article 7.4), ce qui correspond à une préoccupation de célérité de l’arbitrage ;
  • la prise en compte par la Cour, pour chaque arbitre unique ou président du tribunal arbitral qu’elle aurait à choisir, de sa nationalité, son lieu de résidence et de tout lien avec les pays dont sont issues les parties, de sorte à s’assurer, sauf exceptions, qu’il soit d’une nationalité différente de celles des parties si celles-ci n’ont pas la même nationalité (article 11.3), ce qui contribue à assurer la neutralité réelle ou perçue du tribunal arbitral ;
  • le principe de renonciation au droit de faire objection, lequel implique que toute objection « quant au respect de toute disposition du Règlement, de règles décidées par le Tribunal arbitral, de stipulations contenues dans la Convention d’arbitrage, et plus généralement de toute circonstance pouvant donner lieu à une objection » doit être soulevée par une partie « promptement » après qu’elle en ait eu connaissance (article 30)4, ce qui a vocation à contribuer à l’efficacité de la procédure ;
  • le principe compétence-compétence (article 14), soit le pouvoir qui est conféré aux arbitres (et non aux juridictions nationales) de se prononcer sur leur propre compétence, avec ceci de spécifique que le règlement prévoit expressément que « l’exception d’incompétence du Tribunal arbitral est soulevée au plus tard dans la Réponse à la Demande d’arbitrage ». Comme c’est le cas pour la disposition faisant état du principe de renonciation, il s’agit ainsi d’encadrer la procédure en évitant qu’une partie ne puisse se prévaloir trop tardivement d’une exception d’incompétence, notamment pour des raisons dilatoires ;
  • une confidentialité de principe. Contrairement à certaines institutions qui ne prévoient pas de principe de confidentialité à moins que les parties ne s’accordent expressément à ce sujet, le Règlement CIMAC prévoit effectivement que, sous réserve d’une disposition législative impérative contraire et « sauf accord contraire des Parties, la procédure arbitrale est confidentielle » (article 44). Cette confidentialité à une portée très étendue étant donné qu’elle s’applique non seulement aux « échanges, mémoires et pièces qui y ont été produits, aux audiences qui s’y sont déroulées et aux décisions qui y ont été rendues » mais également à l’existence même de l’arbitrage. La garantie de la confidentialité par le Règlement sera certainement perçue comme un atout du CIMAC par les opérateurs économiques, pour lesquels la confidentialité de la procédure arbitrale est l’un des avantages de ce mode de résolution des litiges.
UN ACCENT MIS SUR LA CELERITE

Ces dernières années, l’arbitrage, bien que toujours aussi prisé par les acteurs du monde des affaires, a subi certaines critiques résultant notamment de la longueur des procédures, inacceptable pour un mode de résolution des litiges dont la rapidité a longtemps été vantée.

Aussi, certains règlements d’arbitrage ont voulu répondre à ces critiques en mettant à l’honneur la célérité. Dans cette optique, de nombreuses institutions ont fait le choix d’adopter une procédure plus rapide, dite « procédure accélérée »5.

Cette voie a été suivie par le Règlement CIMAC : l’article 43 du Règlement prévoit ainsi une procédure accélérée dont le recours peut « notamment être justifié par un montant en litige inférieur à l’équivalent de deux cent mille (200.000) euros ou par les circonstances particulières du litige » (article 43.1).

Le Règlement CIMAC prévoit un tribunal arbitral constitué d’un arbitre unique, sauf accord contraire des parties. En ce qui concerne les délais de la procédure, ils sont raccourcis : la Réponse du Défendeur doit être soumise dans un délai de vingt-et-un (21) jours à compter de la notification de la Demande d’arbitrage, un calendrier est établi dans un délai maximal de quinze (15) jours à compter de la constitution du tribunal arbitral et la sentence doit être rendue dans les six (6) mois à compter de la date de transmission du dossier au tribunal arbitral.

Ayant toujours à cœur de favoriser la célérité de la procédure, le Règlement CIMAC présente d’autres partis pris qui méritent d’être signalés.

Ainsi, le Règlement CIMAC a pris le parti de ne pas exiger qu’un acte de mission soit établi, ce qui contraste avec le règlement CCI qui prévoit que cet acte soit établi et signé dès la remise dossier au tribunal arbitral constitué. Dans la procédure CCI, l’acte de mission (« terms of reference ») a vocation à limiter spécifiquement la mission du tribunal arbitral. Pour ses partisans, il a pour mérite de déterminer le périmètre et les points juridiques et factuels qui sont au cœur du litige. Cet acte a donc vocation à circonscrire les débats et à rendre la suite de l’arbitrage plus efficace. Pour autant, les détracteurs de ce mécanisme considèrent qu’il est trop souvent contre-productif car chronophage. Dans sa logique d’allègement et de célérité de la procédure, le CIMAC a donc préféré ne pas prévoir d’acte de mission.

Par ailleurs, le Règlement n’a pas non plus adopté ce qui reste une caractéristique propre du règlement CCI, à savoir l’examen préalable de la sentence arbitrale par la Cour préalablement à sa délivrance aux parties (le mécanisme dit de « scrutiny »), cet examen étant destiné, selon la CCI, à maximiser l’efficacité juridique de la sentence en identifiant les défauts éventuels qui pourraient fonder une tentative d’annulation de la sentence ou un obstacle à son exécution. Là encore, il s’agit d’un mécanisme qui permet de garantir un certain standard de qualité de la sentence. Il est toutefois de nature à générer des extensions du délai pour le rendu de la sentence arbitrale6.

Le CIMAC, par l’adoption d’un règlement répondant aux exigences fondamentales en la matière, a ainsi vocation à s’ériger en centre d’arbitrage de premier plan et à offrir aux opérateurs économiques, notamment africains, un mode de règlements des différends efficace et adapté. Les premières affaires et l’épreuve du temps permettront par la suite de constater l’efficacité et les particularités de ce Règlement et d’identifier les défis pratiques qui en résultent.


1 Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2017.
2 Ce mécanisme a été adopté récemment par de nombreuses institutions d’arbitrage telles que l’Arbitration Institute of the Stockholm Chamber of Commerce (la « SCC ») en 2010, la Chambre de Commerce Internationale (la « CCI ») en 2012 et la London Court of International Arbitration (la « LCIA ») en 2014.
3 Le règlement LCIA prévoit une disposition similaire, avec un siège par défaut à Londres (article 16.2 du règlement LCIA).
4 Nous notons à ce sujet que l’utilisation du terme « promptement » ne manquera pas de générer de débats quant à ce qu’elle implique en pratique.
5 C'est le cas de la SCC en 1995, du Singapore International Arbitration Center (« SIAC ») en 2013, du Hong Kong International Arbitration Center (« HKIAC ») en 2008, et de la CCI en 2017 pour n’en citer que certains.
6 Ce mécanisme d’examen préalable de la sentence arbitrale a également généré des débats du fait de l’empiètement qu’il impliquerait sur la liberté de jugement des arbitres.

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